Carte blanche RTL _ 25 novembre 2024_ Noir ou Blanc!

Noir ou blanc !

La pétition 3176, déposée le 4 novembre au Parlement, a recueilli 4775 signatures : elle vise à interdire les smartphones de manière générale dans l’enceinte des écoles. Les pétitions sont à la mode. A ce sujet, une carte blanche de Gaston Ternes.

 

Les pétitions sont positives en soi : elles donnent au citoyen engagé la possibilité d’exprimer publiquement son opinion, et ceci au Parlement, l’institution des représentants élus qui décident pour nous dans notre démocratie parlementaire.

 

Une question me taraude l’esprit: est-ce que tout est toujours noir ou blanc, sans nuances ? Le débat actuel sur l’interdiction générale des téléphones portables dans les écoles me fait réfléchir : suffit-il de répondre par « bon » ou « mauvais » à des questions complexes ayant trait à l’éducation? Cela n’a aucun sens d’interdire totalement les téléphones portables. De même, cela n’a pas de sens d’autoriser le téléphone portable en permanence et partout ! Le sujet ne s’inscrit tout simplement pas dans une optique binaire, soit 0 ou 1. « Les médias doivent être enseignés et non diabolisés », résumait récemment le psychiatre Serge Tisseron. Les médias ont besoin de règles, qui doivent être enseignées aussi bien en famille qu’à l’école.

 

Ces derniers temps, les questions relatives à l’école, sont pratiquement toujours abordées sous un simple angle de « bon ou mauvais » : les écoles internationales ou les écoles luxembourgeoises, par exemple, sans saisir l’occasion d’échanger systématiquement sur les « meilleures pratiques » des deux systèmes!

 

De nos jours, tout le monde peut communiquer instantanément. Cela se résume souvent à un simple « pouce vers le haut » ou un « pouce vers le bas », voire un emoji pour exprimer rapidement un sentiment. Les nuances passent à la trappe. La complexité de la question est négligée. Aucune recherche de compromis. Pourquoi cette tendance à notre époque… ?

 

L’une des raisons est certainement l’omniprésence des bulles de filtrage, aussi bien dans les moteurs de recherche que dans les médias sociaux. Nos messages sont filtrés. Ils sont adaptés à notre profil. Nous ne voyons que des commentaires unilatéraux et des informations qui correspondent exactement à nos intérêts ; l’algorithme ne nous informe pas sur la position adverse.

 

Si vous n’êtes confronté(e) qu’à votre propre opinion, si vous êtes toujours confirmé(e), alors vous vivez dans une confortable bulle d’opinion. L’activiste américain Eli Pariser nous avait déjà mis en garde en 2011 dans son livre « The Filter Bubble : What the Internet is hiding from you ».

 

Ma première question en soulève des nouvelles : Tolérons-nous simplement que des acteurs majeurs peu scrupuleux d’Internet et des médias sociaux sacrifient toute diversité d’opinion sur l’autel de leur profit ? Ne serait-il pas temps de prendre le contre-pied, à la fois par une explication cohérente du fonctionnement des bulles de filtrage et par un entraînement actif au « débat », de préférence dans le même espace réel ?

 

Carte blanche du 31 mai 2024 – Notre société s’effondre, … et personne ne s’en rend compte ?

Notre société s’effondre, … et personne ne s’en rend compte ?

Notre quotidien est de plus en plus marqué par l’intolérance, les jugements prématurés, les fausses nouvelles et les agressions verbales. Les réseaux sociaux en sont un exemple quotidien. Aucune tranche d’âge n’est épargnée. Ajoutez à cela l’agitation, le stress et les soucis financiers. Notre société toute entière est-elle en train de déraper, … et personne ne le remarque ? Quel est le rôle de la politique ? Gaston Ternes répond à cette question dans sa Carte Blanche.

 

Le sujet d’aujourd’hui n’est pas spécifiquement luxembourgeois, il concerne notre société dite « occidentale », la manière dont nous vivons ensemble, la manière dont la politique l’accompagne. Je vais choisir, parmi une panoplie, 2 exemples très extrêmes, de la manière dont la politique régule dans le premier cas, capitule dans le second !

 

La Grande-Bretagne vient d’adopter une loi visant à expulser les demandeurs d’asile vers le Rwanda. Il y a deux ans, Charles III, alors encore prince de Galles, avait qualifié ce projet de loi de « terrible idée ». Il a signé la loi en tant que roi fin avril de cette année.

 

On est irrité qu’il y ait aussi des voix au sein de la communauté européenne qui acceptent cette solution inhumaine. Il y a une semaine, le chancelier autrichien Karl Nehammer vantait ce « modèle rwandais » britannique ! Comment des personnes censées représenter les valeurs démocratiques peuvent-elles prendre des décisions aussi inhumaines ? Aucun partisan de cette idée ne s’intéresse à la situation au Rwanda lui-même, car ce pays est confronté à son propre problème de réfugiés. Des centaines de milliers de réfugiés rwandais souhaitent depuis des années retourner dans leur pays d’origine. Personne ne parle du taux de chômage dramatique au Rwanda.

 

Citons un autre exemple très différent du premier: la santé mentale de nombreux enfants et jeunes en Europe occidentale n’est pas bonne. L’agitation des enfants se répercute sur la salle de classe. A l’école, de plus en plus de «mesures spécifiques» sont nécessaires pour accompagner les enfants aux comportements inadéquats. Je ressens ces mesures comme des pansements, sans entrer dans les vraies causes.

 

L’âge moyen auquel les enfants sont exposés pour la première fois à des images pornographiques est désormais de 10 ans ! L’accès aux clips vidéo et aux films d’une extrême violence est illimité. Bien trop rapidement, les enfants sont confrontés aux  réseaux sociaux, qui les exposent à la dictature du regard de l’autre et aux critiques destructrices. La politique ici est « aux abonnements absents ». Elle ne réglemente pas.

Au fil des décennies, les gouvernements ont systématiquement placé les valeurs humaines derrière les intérêts économiques. Ils ont fermé les yeux sur les dégâts collatéraux. « La croissance économique se fait au prix d’un effondrement intellectuel, culturel, psychologique et spirituel », écrit très justement l’auteur français Laurent Gounelle dans son récent ouvrage « Le réveil ». Quand allons-nous nous réveiller, quand les politiques se réveilleront-ils et retourneront-ils à leur cœur de métier ?

«Polis», du grec ancien, au sens de façonner et réguler la coexistence harmonieuse, la conscience collective !