De combien d’argent un jeune a-t-il besoin au Luxembourg pour vivre de façon autonome – Lettre à un jeune indépendant (Carte blanche du 8 juillet 2022 sur RTL)

De combien d’argent un jeune a-t-il besoin pour vivre de façon autonome au Luxembourg? Lettre à un jeune indépendant.

Cela fait 30 ans que l’on écrit et que l’on parle de la “bosse de la classe moyenne”.  Mais, il ne s’est rien passé, sauf peut-être dans le mauvais sens : le taux de cotisation pour la caisse de maladie a augmenté et le barème d’imposition n’a plus été adapté à l’inflation. Ce sont les jeunes avec le statut d’indépendant qui sont le plus concernés. Gaston Ternes fait dans cette carte blanche un calcul qui devrait motiver tout homme politique à l’action.

 

Tu es jeune et tu as choisi après des études de master à l’étranger -selon la volonté clairement affichée du monde politique- le statut d’indépendant. Après trois ans, tu peux maintenant prétendre à un salaire annuel brut de 45.000 euros ou 3.750 euros par mois. Tu fais donc partie de la classe moyenne au Luxembourg !

Tu dois payer des cotisations sociales obligatoires sur ton salaire, pour la pension, l’assurance maladie, la dépendance de l’assurance et l’accident, le tout à hauteur de 24,63% ou 924 euros par mois.

Il te reste donc 2.826 euros par mois, ou pas…

Tu dois payer des impôts. Dans ton cas, 5.226 euros par an et 2,5 % ou 365 euros de contribution au Fonds de l’emploi. Donc, au total, 5.591 euros par an ou 466 euros par mois. Sais-tu que le barème de l’impôt est échelonné de telle façon que le taux marginal pour 45.000 euros est déjà pratiquement au maximum ?

Il te reste donc 2.360 euros par mois, ou pas…

Tes études universitaires t’amènent à devoir rembourser, au cours des dix premières années, 640 euros par mois à ta banque pour un prêt que l’État a mis à ta disposition.

Il te reste donc 1.720 euros par mois, ou pas…

Pour ton logement, tu paies un loyer de 1.250 euros et 250 euros de charges, ce qui est plutôt modéré pour le Luxembourg.

Il te reste donc 220 euros par mois pour vivre.

L’idée de recourir à une voiture pour tes déplacements professionnels est hors de question pour des raisons évidentes. Tu dois refuser des contrats, car il ne t’est pas possible de passer d’un point A à un point B en un temps raisonnable.

Pour manger et boire, il te reste 18 euros par jour! Il n’est pas possible de penser à une assurance complémentaire auprès de la Mutualité des Employeurs – avec une cotisation minimale de 1,13% sur ton salaire brut – pour que tu ne sois pas seulement indemnisé à partir du 77e jour en cas de maladie ou d’accident!

Cher jeune indépendant! Je rêve que nous ayons des députés qui deviennent rapidement sensibles et actifs pour ta situation. Voici une solution possible: les cotisations sociales et les impôts payés pendant les dix premières années ne seraient calculés que sur 50% de tes revenus bruts. Cette fois la raison ne serait pas la même que pour les députés, mais une compensation afin que tu puisses vivre décemment dans notre pays.

Education et Metaverse: Où allons-nous? (carte blanche du 18 février 2022)

Éducation et metaverse, où allons-nous ?

« Metaverse » se développe à un rythme effréné dans le monde entier, y compris au Luxembourg. Vivons-nous aujourd’hui à une époque semblable à celle où Internet a très vite conquis le terrain ? Et que cela signifie-t-il pour l’éducation ? C’est la question que Gaston Ternes aborde dans sa carte blanche.

 

Le préfixe « meta » signifie « au-delà » et « verse » fait référence à « univers ». Les experts décrivent le metaverse comme le prochain saut quantique vers l’Internet 4.0, des espaces virtuels en 3D reliés entre eux, nous offrant ainsi un univers personnel. Les technologies telles que les crypto-monnaies, la blockchain en tant que registre, les réseaux 5G et la croissance exponentielle des logiciels de simulation sont déjà des espaces virtuels qui façonnent notre quotidien.

Notre smartphone serait remplacé d’ici 5 à 10 ans par des hologrammes, des casques et des lunettes qui nous donneraient accès à notre univers personnel, « tout, tout le temps, partout ». De nouveaux contenus convaincants sont à notre disposition, interactifs, collaboratifs, immersifs dans un monde où le numérique et le physique se confondent.

Comme souvent, la technologie est à la fois une chance et un piège. Les médias sociaux ont déjà bouleversé notre monde. L’impact du Metaverse sera incomparablement plus important. La question est de savoir si, cette fois-ci, nous ne voulons pas mieux nous préparer à la nouvelle réalité qu’à l’époque de l’invasion par les médias sociaux. Qui va par ailleurs gouverner cet univers ? Est-ce que ce seront toujours de grandes entreprises qui veulent avant tout gagner de l’argent ? Nous ferions bien de discuter en tant que société de ce à quoi le Metaverse du futur doit ressembler.

Pour l’éducation, Metaverse offre bien sûr une grande chance : actif et adapté à chacun, il est facile de se plonger dans les contenus que l’on souhaite acquérir, les répétitions sont possibles à tout moment, on peut apprendre par petites bouchées ; ce sont les composantes que la recherche en neurosciences qualifie d’efficaces dans le processus d’apprentissage.

La technique en soi n’est pas mauvaise, mais c’est l’utilisation que nous en faisons qui est décisive : avons-nous la maîtrise de notre vie ou sommes-nous seulement contrôlés et téléguidés ?

Une chose est sûre : personne ne sait à quoi ressemblera 2050 ! Comme le dit si bien Yuval Harari dans ses « 21 leçons pour le 21e siècle » : « La seule constante est le changement ». L’humanité est confrontée à des révolutions sans précédent. Comment pouvons-nous nous y préparer, nous et nos enfants ? Les 4 compétences « C » « penser critique, communiquer, coopérer et être créatif » ont certainement leur importance. Mais Harari en reconnaît une autre comme particulièrement importante : C’est « la capacité à résister au changement, à apprendre de nouvelles choses et à conserver son équilibre mental dans des situations inhabituelles ».

« Journée de la démocratie » – Carte blanche du 5 novembre 2021

À partir de 2022, une « Journée annuelle de la démocratie » sera célébrée au mois d’octobre dans toutes les écoles secondaires du Grand-Duché de Luxembourg. Depuis 2021 déjà, les écoles intéressées avaient la possibilité d’organiser une telle journée. Dans sa Carte Blanche, Gaston Ternes aborde la question de la démocratie à l’école.

Une enseignante de l’école fondamentale a demandé aux enfants de dessiner un souvenir de leurs vacances. Une enfant s’est appliquée à dessiner sur son bras. La maîtresse lui a demandé pourquoi elle ne voulait pas dessiner sur sa feuille et la réponse fut prompte: « Madame, je veux protéger les arbres ! ».
Pour moi, cette réaction n’est pas un cas isolé. Dans mon environnement professionnel, j’ai constaté à maintes reprises que la sensibilisation et l’intérêt des enfants et des adolescents pour la nature et l’environnement, ainsi que pour les questions politiques et sociales, ont évolué de manière positive. Nous avons la perspective d’une génération de citoyens critiques et engagés qui n’hésitent pas à défendre leurs points de vue.
L’initiative du Centre pour l’éducation citoyenne d’institutionnaliser une journée de la démocratie dans toutes les écoles secondaires me paraît donc louable. Trois grands axes sont envisagés : Discuter du fonctionnement de la démocratie et de la société, questionner et développer la culture scolaire démocratique, élire un conseil des élèves pour le lycée tous les deux ans.
Que signifie « éduquer à la démocratie » ? Dans son livre récent « Ce que l’école peut encore pour la démocratie », le professeur et pédagogue français Philippe Meirieu explique que l’objectif est de favoriser à la fois la capacité de penser de manière autonome et critique, et celle d’écouter et de rechercher un consensus ou des solutions.
Les deux voies ne s’excluent pas mutuellement : la « pensée autonome » consiste à abolir les idées préconçues, à analyser les points de vue pour en vérifier l’exactitude. Dans un deuxième temps, cela signifie qu’il faut être prêt à partager son propre point de vue avec les autres. Des initiatives européennes telles que le « Parlement européen modèle » ou l' »Ecole ambassadrice du Parlement européen » dans les lycées contribuent depuis de nombreuses années à ce développement de la pensée démocratique.
La Journée de la démocratie dans toutes les écoles devrait créer un nouvel élan pour la pratique quotidienne de la démocratie dans les écoles et pour un meilleur apprentissage en commun.
Un apprentissage basé sur l’entraide et la solidarité, dans lequel les jeunes, accompagnés des enseignants, ne rivalisent point mais découvrent les forces de la tolérance, me semble capital.
Etant donné que les jeunes d’aujourd’hui n’hésitent pas à exprimer leurs opinions sur tous les défis sociétaux, il est crucial que ces opinions soient consolidées, pondérées et fondées, sinon elles risquent de se noyer dans une mer de slogans, de fake news et de déclarations simplistes.

Carte blanche du 16 juin 2021: Un sujet qui n’est pas inconnu : les inégalités en matière d’éducation

Depuis les études Pisa, c’est-à-dire depuis 2000, nous savons quels types d’enfants sont des élèves à risque: Les enfants issus de l’immigration et/ou de familles socio-économiquement défavorisées. Avec la pandémie, ce problème est devenu encore plus aigu. Dans sa « Carte blanche », Gaston Ternes examine les possibilités d’action sur cette question.

Ce n’est pas une surprise si le « Luxembourg Center for Educational Testing » (LUCET) de l’Université du Luxembourg a attiré l’attention sur les inégalités du système scolaire luxembourgeois dans son récent rapport sur le monitoring de l’éducation. Cette déclaration est également soutenue par l’Observatoire national de la Qualité scolaire. En particulier, la compétence en matière de compréhension orale en langue allemande a diminué de manière significative, en raison du fait que pendant la pandémie, les jeunes issus de l’immigration n’ont eu que peu ou pas de contact avec la langue allemande. Et pour que l’éducation numérique à domicile réussisse, une forte implication des parents est nécessaire.

Les solutions actuellement mises en œuvre sont, dans l’ensemble, les suivantes : davantage de cours d’allemand au cours du troisième et du dernier trimestre scolaire dans les écoles fondamentales, ainsi que la proposition d’une « école d’été » de 14 jours avant la reprise des cours à la mi-septembre. Cela semble être une goutte dans l’océan.

Une approche efficace du problème de l’iniquité des chances doit reposer sur deux piliers: elle s’inscrit dans la continuité et l’efficacité de la mesure est régulièrement évalée.

L’équité dans l’éducation s’étend bien au-delà de l’école elle-même. Une première mesure serait une bien meilleure mise en réseau des structures d’enseignement et de soutien existantes. Il est important d’identifier les obstacles qui rendent actuellement l’accès difficile pour les familles.

Penser l’équité, c’est automatiquement offrir un maximum de possibilités dans l’école-même pour que ces possibilités soient accessibles à chaque apprenant. En guise d’exemple, il serait utile de disposer d’un comité dans l’école qui, en contact étroit avec la famille, puisse réagir rapidement et avec souplesse à toute situation. Pour lever ce défi, l’école a besoin de ressources humaines supplémentaires.

Le système scolaire lui-même devrait être restructuré de fond en comble ; il devrait sélectionner beaucoup plus tardivement, car une séparation précoce limite les capacités du jeune et rend difficile une bonne orientation.

Le soutien linguistique en allemand et en français est « l’alpha et l’oméga » de la réussite scolaire dans le système scolaire luxembourgeois. Les initiatives scolaires qui offrent, par exemple, un soutien linguistique personnalisé en adaptant l’emploi du temps de l’apprenant individuel, ceci dans le cadre des 30 heures par semaine, ne devraient pas seulement fonctionner dans certaines écoles, mais dans tout le pays.

Et que dire de l’introduction d’un programme obligatoire limité à 25 heures par semaine à tous les niveaux de l’enseignement primaire et secondaire, et de 5 heures pouvant être programmées de manière facultative pour répondre aux besoins et aux talents des élèves ? La pandémie nous a montré la voie en nous obligeant à nous concentrer sur l’essentiel du programme.

Ce ne sont là que quelques suggestions. Ne sont-elles pas une raison suffisante pour une véritable offensive éducative ?

Carte blanche du 8 mars 2021 Le défi du multilinguisme à l’école

Le défi du multilinguisme à l’école
Le Luxembourg se caractérise par un environnement multilingue et multiculturel, comme on en trouve rarement à l’étranger. En termes d’offre scolaire, il existe aujourd’hui une tendance claire à résoudre la difficulté de cette hétérogénéité par le biais de structures scolaires internationales, européennes ou privées, axées sur une langue spécifique. Ne sommes-nous pas en train de rater une belle opportunité pour une offre scolaire nationale inclusive ? Dans cette carte blanche, Gaston Ternes parle du sujet.

Notre avantage jusqu’à présent a été que dans notre petit pays, nous avons appris les langues allemande, française et anglaise à un niveau élevé. C’est une richesse pour nos écoles que l’on y trouve en moyenne une cinquantaine de langues maternelles différentes parlées à la maison. Les écoles du système scolaire national luxembourgeois sont donc, par nature même, toutes des « écoles internationales ». Cependant, cette richesse a aussi ses inconvénients : Les chercheurs soulignent régulièrement que trop d’élèves ne sont pas à la hauteur des exigences élevées de notre enseignement des langues et ne progressent donc pas suffisamment dans l’apprentissage d’autres matières.
Incapables de répondre à ces exigences ambitieuses, les jeunes subissent deux mécanismes de régulation : Répétition de la classe ou passage à une structure moins exigeante, l’enseignement général ou préparatoire. La première mesure du redoublement des classes a depuis longtemps été jugée totalement inefficace dans les études scientifiques sur le sujet. La deuxième mesure est également mauvaise : en raison d’un manque dans une langue, on est déclassé globalement et privé de performances possibles dans d’autres matières.
Un enfant qui redouble une année coûte à l’État environ 45 000 euros dans l’enseignement secondaire et 25.000 euros dans l’enseignement primaire. C’est beaucoup d’argent qui aurait été mieux investi dans une réflexion approfondie sur notre enseignement des langues.
Pourquoi ne nous attaquons-nous pas à ce problème? Après tout, nous pouvons compter sur de nombreuses initiatives scolaires. Nous avons suffisamment d’études qui indiquent des voies de solutions. Nous pouvons nous baser sur l’expérience des enseignants qui sont confrontés quotidiennement à des défis linguistiques. Toutefois, le cadre est malheureusement trop étroit pour permettre des solutions efficaces.
Les réponses se trouvent dans la didactique de l’enseignement des langues, dans l’importance de l’apprentissage de la langue dans son contexte, dans la motivation à apprendre une langue étrangère parce que l’on en a besoin dans son environnement. En ce sens, l’enseignement des langues doit être reconstruit à partir de la base, c’est-à-dire de l’école primaire au baccalauréat. En guise d’exemple, les langues pourraient être proposées avec des accentuations et des niveaux différents. Nous devons absolument donner à nos professeurs de langues une voix commune dans des groupes de travail nationaux et définir ainsi un nouveau cadre !
Les langues étrangères sont essentielles pour des citoyens qui veulent œuvrer ensemble au-delà des frontières. Les réponses à ce grand défi ne peuvent donc pas se limiter à offrir des programmes d’études linguistiques toujours plus spécifiques.

Le défi du multilinguisme -carte blanche RTL 8 mars 2021

Au cœur du multilinguisme à l’école.

Le Luxembourg se caractérise par un environnement multilingue et multiculturel, comme on en trouve rarement à l’étranger. En termes d’offre scolaire, il existe aujourd’hui une tendance claire à résoudre le défi de cette hétérogénéité par le biais de structures scolaires internationales, européennes ou privées, axées sur une langue spécifique. Ne sommes-nous pas en train de rater une grande opportunité pour une offre scolaire nationale inclusive ? Gaston Ternes parle de l’enseignement des langues dans cette carte blanche.

Notre avantage jusqu’à présent a été que dans notre petit pays, nous avons appris les langues allemande, française et anglaise à un niveau élevé. C’est une richesse pour nos écoles que l’on y trouve en moyenne une cinquantaine de langues maternelles différentes parlées à la maison. Les écoles du système scolaire national luxembourgeois sont donc, par nature même, toutes des « écoles internationales ». Cependant, cette richesse a aussi ses inconvénients : Les chercheurs soulignent régulièrement que trop d’élèves ne sont pas à la hauteur des exigences élevées de notre enseignement des langues et ne progressent donc pas suffisamment dans l’apprentissage d’autres matières.
Incapables de répondre à ces exigences ambitieuses, les jeunes subissent deux mécanismes de régulation : Répétition de la classe ou passage à une structure moins exigeante, l’enseignement général ou préparatoire. La première mesure du redoublement des classes a depuis longtemps été jugée totalement inefficace dans les études scientifiques sur le sujet. La deuxième mesure est également mauvaise : en raison d’un certain manque dans une langue, on est déclassé globalement et privé de performances possibles dans d’autres matières.
Un enfant qui redouble une année coûte à l’État environ 45 000 euros dans l’enseignement secondaire et 25.000 euros dans l’enseignement primaire. C’est beaucoup d’argent qui aurait été mieux dépensé pour une réflexion approfondie sur notre enseignement des langues.
Pourquoi ne nous attaquons-nous pas à ce problème? Après tout, nous pouvons compter sur de nombreuses initiatives scolaires. Nous avons suffisamment d’études qui indiquent des voies de solutions. Nous pouvons nous baser sur l’expérience des enseignants qui sont confrontés quotidiennement à des défis linguistiques. Toutefois, le cadre est malheureusement trop étroit pour permettre des solutions efficaces.
Les réponses se trouvent dans la didactique de l’enseignement des langues, dans l’importance de l’apprentissage de la langue dans son contexte, dans la motivation à apprendre une langue étrangère parce que l’on en a besoin dans son environnement. En ce sens, l’enseignement des langues doit être reconstruit à partir de la base, c’est-à-dire de l’école primaire au baccalauréat. En guise d’exemple, les langues pourraient être proposées avec des accentuations et des niveaux différents. Nous devons absolument donner à nos professeurs de langues une voix commune dans des groupes de travail nationaux et définir ainsi un nouveau cadre !
Les langues étrangères sont essentielles pour des citoyens qui veulent travailler ensemble au-delà des frontières. Les réponses à ce grand défi ne peuvent donc pas se limiter à offrir des programmes d’études linguistiques toujours plus spécifiques.

Carte blanche du 16 décembre 2020 (RTL radio)

Sur la protection des données : qui dit A doit dire B
Par loi du 28 mai 2019, une directive européenne de 2016 a été traduite en droit luxembourgeois, afin de garantir une grande sécurité pour les réseaux et systèmes d’information dans l’ Union européenne. Qu’en est – il alors de la protection des données individuelles? Le maximum a -t-il été fait pour protéger le citoyen? Gaston TERNES étudie la question.
En temps de COVID, nous recourons plus que d’habitude à Internet .

Force est de constater qu’un fléau a considérablement augmenté depuis le début de la pandémie: le « phishing » de l’ anglais « Fishing». Il s’agit d’une méthode malhonnête pour identifier nos données sensibles.

Les statistiques sont choquantes : seuls 3% d’entre nous ouvrent des courriels du type « SPAM » , c’est-à-dire des courriers publicitaires, mais les courriels de phishing sont consultés par environ 30%. Le montant annuel des dommages ainsi crées au Benelux est actuellement estimé à 1 milliard d’euros . Au cours du premier mois de la pandémie Corona , il y a eu 16.000 attaques de phishing aux Pays-Bas, contre seulement 6.000 les mois précédents.
La pandémie Corona est l’ occasion idéale pour les personnes malhonnêtes . La stratégie est toujours plus professionnelle et s’appuie sur le support visuel original de services que nous consultons régulièrement, la Poste, les grands réseaux de distribution et les banques. On nous invite à actualiser nos données sensibles en argumentant qu’il y a une faille de sécurité , ou qu’une livraison est en suspens car il manque des données. Voilà seulement quelques-unes des nombreuses raisons pour nous retirer des données sensibles. Récemment, ces criminels ont profité de la crise sanitaire en nous invitant à virer 50 euros pour un test COVID, alors que ces tests sont gratuits.
D’accord! Les banques et autres institutions prennent bon soin de nous informer régulièrement sur des attaques de phishing en cours. Nous avons également une initiative très louable gérée par le Gouvernement, le CIRCL le « Computer Incident Response Center Luxembourg », qui collecte ces tentatives malhonnêtes et nous soutient si nous avons été victime d’une attaque frauduleuse.
Il est également vrai qu’il est difficile de retracer ces infractions, parce que les initiateurs cachent leur identité derrière des méthodes très sophistiquées et parce qu’ils opèrent à partir d’une multitude de pays, souvent loin de nous , et avec des législations très différentes .
Mais faisons-nous assez pour rendre la vie difficile à ces fraudeurs? Mon plaidoyer est le suivant : il faudrait lancer une vaste campagne d’information qui indique une procédure facile et rapide de signalement immédiat d’une attaque de phishing, afin qu’après quelques secondes, une enquête soit lancée. Ainsi ces filous se sentiraient un peu moins sûrs dans leur action.
Par la loi du 28 mai 2019 , nous avons dit « A ». Il est grand temps de dire « B »!

Au sujet de l’évaluation de la performance à l’école – Ce que la pandémie Corona nous dit!

Il me semble que dans les nombreuses réformes des écoles primaires et secondaires, une réflexion fondamentale sur le thème de «l’évaluation des performances des élèves» a fait défaut. Il n’y a que des exigences pour l’enseignant qui sont ajoutées à un modèle existant. Cela a eu un impact considérable au niveau de la quantité du travail de rédaction à faire par les enseignants: des commentaires détaillés sur chaque devoir en classe, analysant chaque erreur, ainsi qu’une répartition précise selon les compétences visées qui sont également toujours liées aux notes.

Il n’y a absolument aucun rapport entre le nombre d’heures que l’enseignant passe à écrire tous ces retours et le bénéfice que tire l’élève de ce travail. Le jeune lui-même vit au rhytme des tests multiples et oublie ce qu’il a appris, car d’autres matières ont aussi un devoir en classe.. L’éducateur brésilien Paulo Freire parle dans ce contexte de «pédagogie bancaire» l’élève passe un examen, il est «payé» par une bonne ou mauvaise note et l’action s’arrête là.

Ne devrait-on pas attacher de l’importance à ce que le jeune, dans un second temps, sur la base de brèves suggestions des enseignants, revoie sa  production et ainsi gagne de plus en plus de satisfaction dans son travail? Fait intéressant, à l’heure actuelle, la recherchesur le fonctionnement du cerveau, privilégie la réactivation et l’apprentissage en petites étapes comme deux piliers majeurs d’un apprentissage efficace!

La pandémie de Corona a mis les écoles dans un état d’urgence et le télétravail a pris un élan considérable. Cependant, elle montre des limites lorsque l’on considère l’effet d’équilibrage au sein de la classe et les nombreuses interactions sociales qui s’y déroulent. Le télétravail rend en outre difficile l’évaluation des performances des étudiants, car tous les jeunes n’ont pas les mêmes conditions de travail.

Le confinement nous oblige à ne considérer désormais que les éléments essentiels du programme d’études et de l’évaluation des performances. Il est essentiel que l’apprentissage se déroule dans la continuité et que la répétition, le comportement coopératif et l’engagement personnel y trouvent un reflet. Il est également essentiel que l’apprentissage dispose de suffisamment de temps pour aller en profondeur car l’agitation n’a pour conséquence qu’un apprentissage superficiel et déclenche le stress et la peur. Partager l’année en semestres au lieu de trimestres auraient déjà pour effet de réduite le nombre de tests d’un tiers.

La crise sanitaire nous donne un autre regard sur l’apprentissage; elle nous montre aussi l’importance de la coopération plutôt que de la compétition et c’est exactement cet élément qui devrait avoir un impact beaucoup plus fort dans l’évaluation.
Carte blanche 08-05-20 Leeschtungsberwäertung an der Schoul (Gaston Ternes)_Script

Carte blanche RTL du 21 février 2020: Les écrans rendent-ils nos enfants stupides?

À une époque où l’iPad devient l’outil standard de l’enseignement, la voix de ses adversaires augmente également. Dès la fin 2015, le consortium OCDE-PISA a publié un rapport très critique intitulé «Connectés pour apprendre?» avec l’affirmation principale: «Plus les enfants utilisent des logiciels, Internet et des programmes éducatifs, plus leurs performances scolaires diminuent». D’éminents chercheurs en neurosciences, notamment Manfred Spitzer, ont toujours mis en garde contre la «démence numérique» et veulent donc bannir complètement les technologies de l’école. Récemment, Michel Desmurget, directeur du CNRS, le Centre national de la recherche scientifique en France, a soutenu la thèse avec son livre «La fabrique du crétin numérique, les dangers des écrans pour les enfants».
Cependant, le discours alarmiste nous empêche de nous poser les bonnes questions. Le nom «écran» cache désormais une myriade d’interfaces et d’applications: télévision, smartphones, réseaux sociaux, jeux vidéo ainsi que logiciels pédagogiques. Le sujet concerne donc des problématiques très diverses.

Un discours nuancé s’impose: il y a des moments où l’usage est utile et important, il y en a d’autres où ce n’est pas le cas. Nous sommes rapidement amenés à nous poser la question d’une utilisation raisonnable et d’une durée maximale par jour. Une utilisation raisonnable est celle qui n’a aucune conséquence sur la vie quotidienne, sur l’apprentissage ou sur l’organisation du travail.
Notons que, parmi tous les experts qui s’expriment si différemment sur ce sujet, il y a un consensus minimal: un enfant de moins de 12 ans ne doit en principe pas être laissé seul devant un écran.

Aujourd’hui, nous avons pour devoir de préparer le jeune au monde digital, et donc de lui transmettre des compétences numériques. Pour cela, l’iPad à l’école est un bon outil : il soutient non seulement l’apprentissage, il nous permet également de montrer comment Internet et ses algorithmes veulent nous influencer, comment fonctionne le modèle commercial de collecte de nos données privées.
Ma réponse à la thématique est la suivante: les écrans ne rendent pas les enfants stupides, ils sont une ressource formidable à une condition: que nous accompagnions les jeunes! C’est pourquoi la prochaine initiative de notre ministre de l’Éducation «Les écrans en famille, gérer, éduquer et accompagner» est tout à fait appropriée. Espérons que cela aura un impact et deviendra un sujet de conversation, à la fois dans la famille et à l’école.

Carte blanche – RTL 18 novembre 2019: A propos de la fragmentation du paysage scolaire

 

À propos de la fragmentation du paysage scolaire

vum Gaston TERNES

 

La fragmentation du paysage scolaire n’est pas spécifiquement «luxembourgeoise». C’est un phénomène général! Selon les chercheurs Anne Barrère et Bernard Delvaux (Université de Paris- Descartes et Namur), il y a trois raisons majeures à cela dans le contexte de la mondialisation: l’hétérogénéité croissante de la population, la volonté de pouvoir poursuivre ses études avec des personnes partageant les mêmes idées et une conception individuelle du parcours d’apprentissage.

La fragmentation elle-même se traduit au Luxembourg par la création d’écoles internationales ou européennes, d’écoles Montessori, pour n’en citer que quelques-unes.

Trois ans après le lancement de cette idée de fragmentation du paysage scolaire au Luxembourg, il faut maintenant se demander où nous voulons aller: voulons-nous une division toujours plus grande du paysage scolaire pour, comme le programme gouvernemental, être plus apte à satisfaire les besoins de chaque apprenant? Ou, au contraire, cette fragmentation contribue-t-elle à encore plus d’inégalités? Les différences «écoles chères» contre «écoles gratuites» ou «recrutement sans contraintes des enseignants» contre «recrutement réglementé par l’État» soutiennent cette dernière idée.

Le scénario le plus probable pour les années à venir sera une fragmentation toujours croissante du paysage scolaire, avec des acteurs privés et publics. Dans ce scénario, ce sont les jeunes et leurs parents qui décident de ce qu’ils choisissent sur le «marché» diversifié du paysage scolaire. Il me semble évident que l’ampleur des inégalités s’élargira.

La fragmentation pose un second problème: si un jeune peut, dans une certaine mesure, choisir son système scolaire «à la carte», n’y a-t-il pas un grand danger qu’il choisisse pour lui la voie la plus facile? Il se pourrait bien que le plein potentiel intellectuel de certains jeunes ne soit plus exploité.

La Suède est aujourd’hui, après plus de 30 ans de paysage scolaire de plus en plus fragmenté, en train de retrouver son chemin vers un paysage scolaire plus unifié. En effet, les inégalités se sont massivement accrues et la performance globale de l’offre scolaire suédoise est tombée du peloton de tête en-dessous de la moyenne.

Pour nous, cela ne signifie qu’il ne faut surtout pas attendre que les réformes prennent effet, mais qu’ils faut les accompagner dès maintenant!