Carte blanche RTL du 21 février 2020: Les écrans rendent-ils nos enfants stupides?

À une époque où l’iPad devient l’outil standard de l’enseignement, la voix de ses adversaires augmente également. Dès la fin 2015, le consortium OCDE-PISA a publié un rapport très critique intitulé «Connectés pour apprendre?» avec l’affirmation principale: «Plus les enfants utilisent des logiciels, Internet et des programmes éducatifs, plus leurs performances scolaires diminuent». D’éminents chercheurs en neurosciences, notamment Manfred Spitzer, ont toujours mis en garde contre la «démence numérique» et veulent donc bannir complètement les technologies de l’école. Récemment, Michel Desmurget, directeur du CNRS, le Centre national de la recherche scientifique en France, a soutenu la thèse avec son livre «La fabrique du crétin numérique, les dangers des écrans pour les enfants».
Cependant, le discours alarmiste nous empêche de nous poser les bonnes questions. Le nom «écran» cache désormais une myriade d’interfaces et d’applications: télévision, smartphones, réseaux sociaux, jeux vidéo ainsi que logiciels pédagogiques. Le sujet concerne donc des problématiques très diverses.

Un discours nuancé s’impose: il y a des moments où l’usage est utile et important, il y en a d’autres où ce n’est pas le cas. Nous sommes rapidement amenés à nous poser la question d’une utilisation raisonnable et d’une durée maximale par jour. Une utilisation raisonnable est celle qui n’a aucune conséquence sur la vie quotidienne, sur l’apprentissage ou sur l’organisation du travail.
Notons que, parmi tous les experts qui s’expriment si différemment sur ce sujet, il y a un consensus minimal: un enfant de moins de 12 ans ne doit en principe pas être laissé seul devant un écran.

Aujourd’hui, nous avons pour devoir de préparer le jeune au monde digital, et donc de lui transmettre des compétences numériques. Pour cela, l’iPad à l’école est un bon outil : il soutient non seulement l’apprentissage, il nous permet également de montrer comment Internet et ses algorithmes veulent nous influencer, comment fonctionne le modèle commercial de collecte de nos données privées.
Ma réponse à la thématique est la suivante: les écrans ne rendent pas les enfants stupides, ils sont une ressource formidable à une condition: que nous accompagnions les jeunes! C’est pourquoi la prochaine initiative de notre ministre de l’Éducation «Les écrans en famille, gérer, éduquer et accompagner» est tout à fait appropriée. Espérons que cela aura un impact et deviendra un sujet de conversation, à la fois dans la famille et à l’école.

Carte blanche – RTL 18 novembre 2019: A propos de la fragmentation du paysage scolaire

 

À propos de la fragmentation du paysage scolaire

vum Gaston TERNES

 

La fragmentation du paysage scolaire n’est pas spécifiquement «luxembourgeoise». C’est un phénomène général! Selon les chercheurs Anne Barrère et Bernard Delvaux (Université de Paris- Descartes et Namur), il y a trois raisons majeures à cela dans le contexte de la mondialisation: l’hétérogénéité croissante de la population, la volonté de pouvoir poursuivre ses études avec des personnes partageant les mêmes idées et une conception individuelle du parcours d’apprentissage.

La fragmentation elle-même se traduit au Luxembourg par la création d’écoles internationales ou européennes, d’écoles Montessori, pour n’en citer que quelques-unes.

Trois ans après le lancement de cette idée de fragmentation du paysage scolaire au Luxembourg, il faut maintenant se demander où nous voulons aller: voulons-nous une division toujours plus grande du paysage scolaire pour, comme le programme gouvernemental, être plus apte à satisfaire les besoins de chaque apprenant? Ou, au contraire, cette fragmentation contribue-t-elle à encore plus d’inégalités? Les différences «écoles chères» contre «écoles gratuites» ou «recrutement sans contraintes des enseignants» contre «recrutement réglementé par l’État» soutiennent cette dernière idée.

Le scénario le plus probable pour les années à venir sera une fragmentation toujours croissante du paysage scolaire, avec des acteurs privés et publics. Dans ce scénario, ce sont les jeunes et leurs parents qui décident de ce qu’ils choisissent sur le «marché» diversifié du paysage scolaire. Il me semble évident que l’ampleur des inégalités s’élargira.

La fragmentation pose un second problème: si un jeune peut, dans une certaine mesure, choisir son système scolaire «à la carte», n’y a-t-il pas un grand danger qu’il choisisse pour lui la voie la plus facile? Il se pourrait bien que le plein potentiel intellectuel de certains jeunes ne soit plus exploité.

La Suède est aujourd’hui, après plus de 30 ans de paysage scolaire de plus en plus fragmenté, en train de retrouver son chemin vers un paysage scolaire plus unifié. En effet, les inégalités se sont massivement accrues et la performance globale de l’offre scolaire suédoise est tombée du peloton de tête en-dessous de la moyenne.

Pour nous, cela ne signifie qu’il ne faut surtout pas attendre que les réformes prennent effet, mais qu’ils faut les accompagner dès maintenant!