Carte blanche du 31 mai 2024 – Notre société s’effondre, … et personne ne s’en rend compte ?

Notre société s’effondre, … et personne ne s’en rend compte ?

Notre quotidien est de plus en plus marqué par l’intolérance, les jugements prématurés, les fausses nouvelles et les agressions verbales. Les réseaux sociaux en sont un exemple quotidien. Aucune tranche d’âge n’est épargnée. Ajoutez à cela l’agitation, le stress et les soucis financiers. Notre société toute entière est-elle en train de déraper, … et personne ne le remarque ? Quel est le rôle de la politique ? Gaston Ternes répond à cette question dans sa Carte Blanche.

 

Le sujet d’aujourd’hui n’est pas spécifiquement luxembourgeois, il concerne notre société dite « occidentale », la manière dont nous vivons ensemble, la manière dont la politique l’accompagne. Je vais choisir, parmi une panoplie, 2 exemples très extrêmes, de la manière dont la politique régule dans le premier cas, capitule dans le second !

 

La Grande-Bretagne vient d’adopter une loi visant à expulser les demandeurs d’asile vers le Rwanda. Il y a deux ans, Charles III, alors encore prince de Galles, avait qualifié ce projet de loi de « terrible idée ». Il a signé la loi en tant que roi fin avril de cette année.

 

On est irrité qu’il y ait aussi des voix au sein de la communauté européenne qui acceptent cette solution inhumaine. Il y a une semaine, le chancelier autrichien Karl Nehammer vantait ce « modèle rwandais » britannique ! Comment des personnes censées représenter les valeurs démocratiques peuvent-elles prendre des décisions aussi inhumaines ? Aucun partisan de cette idée ne s’intéresse à la situation au Rwanda lui-même, car ce pays est confronté à son propre problème de réfugiés. Des centaines de milliers de réfugiés rwandais souhaitent depuis des années retourner dans leur pays d’origine. Personne ne parle du taux de chômage dramatique au Rwanda.

 

Citons un autre exemple très différent du premier: la santé mentale de nombreux enfants et jeunes en Europe occidentale n’est pas bonne. L’agitation des enfants se répercute sur la salle de classe. A l’école, de plus en plus de «mesures spécifiques» sont nécessaires pour accompagner les enfants aux comportements inadéquats. Je ressens ces mesures comme des pansements, sans entrer dans les vraies causes.

 

L’âge moyen auquel les enfants sont exposés pour la première fois à des images pornographiques est désormais de 10 ans ! L’accès aux clips vidéo et aux films d’une extrême violence est illimité. Bien trop rapidement, les enfants sont confrontés aux  réseaux sociaux, qui les exposent à la dictature du regard de l’autre et aux critiques destructrices. La politique ici est « aux abonnements absents ». Elle ne réglemente pas.

Au fil des décennies, les gouvernements ont systématiquement placé les valeurs humaines derrière les intérêts économiques. Ils ont fermé les yeux sur les dégâts collatéraux. « La croissance économique se fait au prix d’un effondrement intellectuel, culturel, psychologique et spirituel », écrit très justement l’auteur français Laurent Gounelle dans son récent ouvrage « Le réveil ». Quand allons-nous nous réveiller, quand les politiques se réveilleront-ils et retourneront-ils à leur cœur de métier ?

«Polis», du grec ancien, au sens de façonner et réguler la coexistence harmonieuse, la conscience collective !

Un apprentissage durable

Un apprentissage durable !

 

On parle beaucoup de qualité dans l’éducation. Mais quel type de contenu l’école doit-elle transmettre aujourd’hui ? Le programme scolaire ne devrait-il pas être davantage au premier plan des délibérations ? Gaston Ternes répond à cette question dans sa Carte Blanche.

 

L’information est disponible partout et immédiatement, la vraie comme la fausse. C’est pourquoi de nombreuses compétences telles que penser de manière critique, travailler en collaboration, être capable de communiquer et être créatif sont jugées particulièrement importantes dans les processus d’apprentissage.

 

Mais qu’en est-il du contenu, des programmes d’études dans nos écoles ? Sont-ils, dans leurs objectifs et leurs contenus, suffisamment nourris et régulièrement contrôlés quant à leur sens et leur cohérence ?

 

La qualité de l’éducation est favorisée par un contexte qui fait sens pour les jeunes. C’est ce que dit la recherche. Mais quelle est la réalité ?

J’ai consulté les cursus actuels et j’ai été assez surpris qu’une vision d’ensemble, au-delà des matières, fasse encore totalement défaut !

Je pourrais citer une panoplie d’exemples. Prenons-en un seul: A la même période, la classe de quatrième, une initiation à l’histoire de la littérature se fait en français en s’appuyant sur le Moyen Âge, en allemand elle va du Moyen Âge au Siècle des Lumières, en histoire c’est le Siècle des Lumières et la Révolution française, en anglais le monde actuel, en éducation artistique le  baroque, le classicisme, le romantisme, le réalisme et l’impressionnisme sont étudiés.

 

Tout cela pour le même jeune de 16 ans !

 

En physique, des notions comme la vitesse et l’accélération sont utilisées en troisième, mais introduites en mathématiques seulement une année plus tard en seconde. Cett incohérence existe depuis maintenant plus de 40 ans !

 

Certes, les considérations didactiques d’une discipline ont du sens, mais elles ne suffisent pas : il manque une vue d’ensemble.

 

Ne serait-il pas opportun de se mettre d’accord sur une approche commune par année d’études, et d’éclairer une certaine époque du point de vue des événements historiques et sociaux, de la littérature, de l’art, de l’architecture, de la science ?

 

Cette question de l’apprentissage durable va bien au-delà des initiatives que les écoles peuvent développer. Il est essentiel de déterminer les contenus et les concepts qui permettent aux jeunes d’aujourd’hui d’acquérir une connaissance qui leur permettent de réussir leur vie d’adulte. Ce débat manque au niveau national, mais aussi européen. Aujourd’hui, au jour près 74 ans après le 5 mai 1949, date de la création du Conseil de l’Europe. Il regroupe 46 États et l’un de ses principaux objectifs est de rechercher, négocier et coordonner des réponses aux défis sociétaux. Ce conseil dispose d’un service éducatif et d’une division des politiques éducatives, mais son champ d’action ne s’étend pas au-delà des publications sur des sous-thèmes.

 

Quel dommage!

Pour plus d’équité des chances à l’école, revoir les critères de promotion

Pour plus d’équité des chances à l’école, revoir les critères de promotion !

 

Plusieurs études internationales montrent l’importance de l’influence du milieu socioprofessionnel d’un jeune sur sa réussite scolaire. Et quand on parle de réussite scolaire, les critères de promotion entrent automatiquement en jeu. Gaston Ternes, ancien directeur de lycée et aujourd’hui expert pour le réseau des écoles européennes, aborde ce sujet dans sa carte blanche.

 

Le retard pris dans un parcours scolaire qui se prolonge d’une année est non seulement catastrophique pour la confiance en soi du jeune, mais il a aussi des conséquences directes sur la performance de l’ensemble du système scolaire. Et pourtant, le redoublement est toujours une réalité, plus de deux fois plus élevé au Luxembourg que la moyenne des pays de l’OCDE.

 

En outre, les examens de rattrapage, dont l’enjeu est la promotion, sont organisés par ce que l’on appelle des « Travaux de vacances ». Il n’est pas rare que les dossiers impactant sur la note de l’examen final soient accompagnés par des personnes qualifiées. Les familles qui ne peuvent pas se le permettre sont désavantagées. Une question : les enfants qui ont raté l’année scolaire pour diverses raisons ne méritent-ils pas leurs vacances au même titre que ceux qui ont maîtrisé les exigences scolaires ?

 

Une majorité d’enseignants est contre le redoublement. Cependant, ils sont également contre la promotion automatique, comme le montre la discussion actuelle à ce sujet dans le premier cycle de l’enseignement général. Comment soutenir au mieux les élèves en difficulté scolaire ?

 

La solution peut être qualifiée d' »accompagnement pédagogique intégré ». Il convient de noter qu’il s’agit d’une aide ciblée, donc nécessairement différenciée, adaptée aux besoins individuels du jeune pendant le temps scolaire normal.

 

Une telle initiative nécessite plusieurs étapes : un diagnostic avec tous les acteurs concernés, l’élaboration d’un projet individuel et une évaluation régulière des travaux.

 

Cela ne peut pas être simplement transféré au personnel enseignant régulier, mais doit être élaboré par des pédagogues spécialisés et des experts en didactique des disciplines qui soutiennent l’enseignant. Il s’agit là d’un critère essentiel pour la réussite du processus. La différenciation dans l’enseignement se ferait sur la base des exercices d’application. Le co-enseignement, la différenciation successive ou simultanée, la répartition des groupes en fonction des besoins ou du niveau, sont , selon le spécialiste français des sciences de l’éducation Philippe Meirieu, des stratégies intéressantes à cet égard.

 

L’élève passe les mêmes tests que les autres élèves. Ce point est important, car les évaluations sommatives permettent de situer le niveau du jeune par rapport à la moyenne de la classe.

 

Ce n’est qu’en cas de grands écarts que l’école, les parents et le jeune devraient réfléchir à une réorientation mieux adaptée aux talents du jeune.

 

Le thème de la promotion est essentiel si nous voulons faire un pas de plus vers une école plus juste et plus efficace. Une mission à entamer directement après les élections, donc dès le 9 octobre !

 

Notre pays a besoin d’artisans qualifiés! – Carte blanche du 25 novembre 2022 sur RTL

C’est une affirmation que tout le monde signe aujourd’hui des deux mains, ici dans le pays et aussi à l’étranger. Mais cela ne va guère au-delà de cette observation. Comment valoriser l’enseignement pratique ? Quelles priorités devraient être fixées dans les réformes scolaires ? Gaston Ternes aborde aujourd’hui cette question dans sa carte blanche.

 

Oui, notre pays a besoin d’artisans qualifiés ! Il s’agit d’un problème aigu et largement répandu dans le pays et à l’étranger. Les entreprises manquent massivement de personnel qualifié. Cela me fait penser à la célèbre phrase du chercheur américain Michael Huberman : « Tout a été dit, tout reste à faire ».

Il existe des initiatives dans les écoles pour rapprocher les jeunes de l’artisanat et de l’entrepreneuriat. Mais ceci reste des initiatives isolées comme des stages, des journées d’information sur les métiers, des interventions d’entreprises dans les classes. Il y a cependant un manque de continuité.

Une revalorisation de la formation pratique est à mon avis liée à 3 conditions :

Premièrement, le choix des matières professionnelles ne devrait pas se faire sur la base d’un échec en langues et en mathématiques. C’est pourquoi nous avons besoin d' »écoles pour tous les élèves ». « Inclusion » est le mot-clé et non « segmentation » ou spécialisation précoce. Cela signifie en même temps une revalorisation des programmes dans la formation professionnelle : Ne serait-il pas important de proposer aux étudiants des matières dans les domaines de la culture, de l’art et du social ?

Deuxièmement, chaque élève, de l’école primaire jusqu’à la fin de l’école secondaire, devrait disposer d’un large éventail d’enseignements « pratiques », afin de pouvoir vérifier dès le début son talent et son envie. Enfin et surtout pour apprendre aussi les gestes et les savoir-faire dont on a besoin au quotidien, que ce soit dans la vie privée ou professionnelle.

Troisièmement, l’opposition absurde entre « manuel » et « intellectuel » devrait être immédiatement arrêtée. Aujourd’hui, un agriculteur doit comprendre comment fonctionne l’écosystème et je ne me confie à un chirurgien que si je suis sûr qu’il est également doué pour les travaux manuels ! La hiérarchie qui prospère dans les esprits entre les différentes spécialités artisanales est également absurde. Quelle que soit la spécialité, ce qui compte au final, c’est la qualité de l’exécution !

C’est pourquoi il est important de permettre à chaque enfant, à chaque jeune, une véritable immersion dans l’activité artisanale.

Il est louable que l’Unesco, dans son programme GEQAF « General Education System Quality Analysis/Diagnosis Framework », ait récemment fait de cette question d’un programme d’études adapté un thème central. Il y a de bonnes raisons de penser que c’est là que se trouvent les réponses à la crise de l’éducation.

De combien d’argent un jeune a-t-il besoin au Luxembourg pour vivre de façon autonome – Lettre à un jeune indépendant (Carte blanche du 8 juillet 2022 sur RTL)

De combien d’argent un jeune a-t-il besoin pour vivre de façon autonome au Luxembourg? Lettre à un jeune indépendant.

Cela fait 30 ans que l’on écrit et que l’on parle de la “bosse de la classe moyenne”.  Mais, il ne s’est rien passé, sauf peut-être dans le mauvais sens : le taux de cotisation pour la caisse de maladie a augmenté et le barème d’imposition n’a plus été adapté à l’inflation. Ce sont les jeunes avec le statut d’indépendant qui sont le plus concernés. Gaston Ternes fait dans cette carte blanche un calcul qui devrait motiver tout homme politique à l’action.

 

Tu es jeune et tu as choisi après des études de master à l’étranger -selon la volonté clairement affichée du monde politique- le statut d’indépendant. Après trois ans, tu peux maintenant prétendre à un salaire annuel brut de 45.000 euros ou 3.750 euros par mois. Tu fais donc partie de la classe moyenne au Luxembourg !

Tu dois payer des cotisations sociales obligatoires sur ton salaire, pour la pension, l’assurance maladie, la dépendance de l’assurance et l’accident, le tout à hauteur de 24,63% ou 924 euros par mois.

Il te reste donc 2.826 euros par mois, ou pas…

Tu dois payer des impôts. Dans ton cas, 5.226 euros par an et 2,5 % ou 365 euros de contribution au Fonds de l’emploi. Donc, au total, 5.591 euros par an ou 466 euros par mois. Sais-tu que le barème de l’impôt est échelonné de telle façon que le taux marginal pour 45.000 euros est déjà pratiquement au maximum ?

Il te reste donc 2.360 euros par mois, ou pas…

Tes études universitaires t’amènent à devoir rembourser, au cours des dix premières années, 640 euros par mois à ta banque pour un prêt que l’État a mis à ta disposition.

Il te reste donc 1.720 euros par mois, ou pas…

Pour ton logement, tu paies un loyer de 1.250 euros et 250 euros de charges, ce qui est plutôt modéré pour le Luxembourg.

Il te reste donc 220 euros par mois pour vivre.

L’idée de recourir à une voiture pour tes déplacements professionnels est hors de question pour des raisons évidentes. Tu dois refuser des contrats, car il ne t’est pas possible de passer d’un point A à un point B en un temps raisonnable.

Pour manger et boire, il te reste 18 euros par jour! Il n’est pas possible de penser à une assurance complémentaire auprès de la Mutualité des Employeurs – avec une cotisation minimale de 1,13% sur ton salaire brut – pour que tu ne sois pas seulement indemnisé à partir du 77e jour en cas de maladie ou d’accident!

Cher jeune indépendant! Je rêve que nous ayons des députés qui deviennent rapidement sensibles et actifs pour ta situation. Voici une solution possible: les cotisations sociales et les impôts payés pendant les dix premières années ne seraient calculés que sur 50% de tes revenus bruts. Cette fois la raison ne serait pas la même que pour les députés, mais une compensation afin que tu puisses vivre décemment dans notre pays.

Education et Metaverse: Où allons-nous? (carte blanche du 18 février 2022)

Éducation et metaverse, où allons-nous ?

« Metaverse » se développe à un rythme effréné dans le monde entier, y compris au Luxembourg. Vivons-nous aujourd’hui à une époque semblable à celle où Internet a très vite conquis le terrain ? Et que cela signifie-t-il pour l’éducation ? C’est la question que Gaston Ternes aborde dans sa carte blanche.

 

Le préfixe « meta » signifie « au-delà » et « verse » fait référence à « univers ». Les experts décrivent le metaverse comme le prochain saut quantique vers l’Internet 4.0, des espaces virtuels en 3D reliés entre eux, nous offrant ainsi un univers personnel. Les technologies telles que les crypto-monnaies, la blockchain en tant que registre, les réseaux 5G et la croissance exponentielle des logiciels de simulation sont déjà des espaces virtuels qui façonnent notre quotidien.

Notre smartphone serait remplacé d’ici 5 à 10 ans par des hologrammes, des casques et des lunettes qui nous donneraient accès à notre univers personnel, « tout, tout le temps, partout ». De nouveaux contenus convaincants sont à notre disposition, interactifs, collaboratifs, immersifs dans un monde où le numérique et le physique se confondent.

Comme souvent, la technologie est à la fois une chance et un piège. Les médias sociaux ont déjà bouleversé notre monde. L’impact du Metaverse sera incomparablement plus important. La question est de savoir si, cette fois-ci, nous ne voulons pas mieux nous préparer à la nouvelle réalité qu’à l’époque de l’invasion par les médias sociaux. Qui va par ailleurs gouverner cet univers ? Est-ce que ce seront toujours de grandes entreprises qui veulent avant tout gagner de l’argent ? Nous ferions bien de discuter en tant que société de ce à quoi le Metaverse du futur doit ressembler.

Pour l’éducation, Metaverse offre bien sûr une grande chance : actif et adapté à chacun, il est facile de se plonger dans les contenus que l’on souhaite acquérir, les répétitions sont possibles à tout moment, on peut apprendre par petites bouchées ; ce sont les composantes que la recherche en neurosciences qualifie d’efficaces dans le processus d’apprentissage.

La technique en soi n’est pas mauvaise, mais c’est l’utilisation que nous en faisons qui est décisive : avons-nous la maîtrise de notre vie ou sommes-nous seulement contrôlés et téléguidés ?

Une chose est sûre : personne ne sait à quoi ressemblera 2050 ! Comme le dit si bien Yuval Harari dans ses « 21 leçons pour le 21e siècle » : « La seule constante est le changement ». L’humanité est confrontée à des révolutions sans précédent. Comment pouvons-nous nous y préparer, nous et nos enfants ? Les 4 compétences « C » « penser critique, communiquer, coopérer et être créatif » ont certainement leur importance. Mais Harari en reconnaît une autre comme particulièrement importante : C’est « la capacité à résister au changement, à apprendre de nouvelles choses et à conserver son équilibre mental dans des situations inhabituelles ».

« Journée de la démocratie » – Carte blanche du 5 novembre 2021

À partir de 2022, une « Journée annuelle de la démocratie » sera célébrée au mois d’octobre dans toutes les écoles secondaires du Grand-Duché de Luxembourg. Depuis 2021 déjà, les écoles intéressées avaient la possibilité d’organiser une telle journée. Dans sa Carte Blanche, Gaston Ternes aborde la question de la démocratie à l’école.

Une enseignante de l’école fondamentale a demandé aux enfants de dessiner un souvenir de leurs vacances. Une enfant s’est appliquée à dessiner sur son bras. La maîtresse lui a demandé pourquoi elle ne voulait pas dessiner sur sa feuille et la réponse fut prompte: « Madame, je veux protéger les arbres ! ».
Pour moi, cette réaction n’est pas un cas isolé. Dans mon environnement professionnel, j’ai constaté à maintes reprises que la sensibilisation et l’intérêt des enfants et des adolescents pour la nature et l’environnement, ainsi que pour les questions politiques et sociales, ont évolué de manière positive. Nous avons la perspective d’une génération de citoyens critiques et engagés qui n’hésitent pas à défendre leurs points de vue.
L’initiative du Centre pour l’éducation citoyenne d’institutionnaliser une journée de la démocratie dans toutes les écoles secondaires me paraît donc louable. Trois grands axes sont envisagés : Discuter du fonctionnement de la démocratie et de la société, questionner et développer la culture scolaire démocratique, élire un conseil des élèves pour le lycée tous les deux ans.
Que signifie « éduquer à la démocratie » ? Dans son livre récent « Ce que l’école peut encore pour la démocratie », le professeur et pédagogue français Philippe Meirieu explique que l’objectif est de favoriser à la fois la capacité de penser de manière autonome et critique, et celle d’écouter et de rechercher un consensus ou des solutions.
Les deux voies ne s’excluent pas mutuellement : la « pensée autonome » consiste à abolir les idées préconçues, à analyser les points de vue pour en vérifier l’exactitude. Dans un deuxième temps, cela signifie qu’il faut être prêt à partager son propre point de vue avec les autres. Des initiatives européennes telles que le « Parlement européen modèle » ou l' »Ecole ambassadrice du Parlement européen » dans les lycées contribuent depuis de nombreuses années à ce développement de la pensée démocratique.
La Journée de la démocratie dans toutes les écoles devrait créer un nouvel élan pour la pratique quotidienne de la démocratie dans les écoles et pour un meilleur apprentissage en commun.
Un apprentissage basé sur l’entraide et la solidarité, dans lequel les jeunes, accompagnés des enseignants, ne rivalisent point mais découvrent les forces de la tolérance, me semble capital.
Etant donné que les jeunes d’aujourd’hui n’hésitent pas à exprimer leurs opinions sur tous les défis sociétaux, il est crucial que ces opinions soient consolidées, pondérées et fondées, sinon elles risquent de se noyer dans une mer de slogans, de fake news et de déclarations simplistes.

Carte blanche du 16 juin 2021: Un sujet qui n’est pas inconnu : les inégalités en matière d’éducation

Depuis les études Pisa, c’est-à-dire depuis 2000, nous savons quels types d’enfants sont des élèves à risque: Les enfants issus de l’immigration et/ou de familles socio-économiquement défavorisées. Avec la pandémie, ce problème est devenu encore plus aigu. Dans sa « Carte blanche », Gaston Ternes examine les possibilités d’action sur cette question.

Ce n’est pas une surprise si le « Luxembourg Center for Educational Testing » (LUCET) de l’Université du Luxembourg a attiré l’attention sur les inégalités du système scolaire luxembourgeois dans son récent rapport sur le monitoring de l’éducation. Cette déclaration est également soutenue par l’Observatoire national de la Qualité scolaire. En particulier, la compétence en matière de compréhension orale en langue allemande a diminué de manière significative, en raison du fait que pendant la pandémie, les jeunes issus de l’immigration n’ont eu que peu ou pas de contact avec la langue allemande. Et pour que l’éducation numérique à domicile réussisse, une forte implication des parents est nécessaire.

Les solutions actuellement mises en œuvre sont, dans l’ensemble, les suivantes : davantage de cours d’allemand au cours du troisième et du dernier trimestre scolaire dans les écoles fondamentales, ainsi que la proposition d’une « école d’été » de 14 jours avant la reprise des cours à la mi-septembre. Cela semble être une goutte dans l’océan.

Une approche efficace du problème de l’iniquité des chances doit reposer sur deux piliers: elle s’inscrit dans la continuité et l’efficacité de la mesure est régulièrement évalée.

L’équité dans l’éducation s’étend bien au-delà de l’école elle-même. Une première mesure serait une bien meilleure mise en réseau des structures d’enseignement et de soutien existantes. Il est important d’identifier les obstacles qui rendent actuellement l’accès difficile pour les familles.

Penser l’équité, c’est automatiquement offrir un maximum de possibilités dans l’école-même pour que ces possibilités soient accessibles à chaque apprenant. En guise d’exemple, il serait utile de disposer d’un comité dans l’école qui, en contact étroit avec la famille, puisse réagir rapidement et avec souplesse à toute situation. Pour lever ce défi, l’école a besoin de ressources humaines supplémentaires.

Le système scolaire lui-même devrait être restructuré de fond en comble ; il devrait sélectionner beaucoup plus tardivement, car une séparation précoce limite les capacités du jeune et rend difficile une bonne orientation.

Le soutien linguistique en allemand et en français est « l’alpha et l’oméga » de la réussite scolaire dans le système scolaire luxembourgeois. Les initiatives scolaires qui offrent, par exemple, un soutien linguistique personnalisé en adaptant l’emploi du temps de l’apprenant individuel, ceci dans le cadre des 30 heures par semaine, ne devraient pas seulement fonctionner dans certaines écoles, mais dans tout le pays.

Et que dire de l’introduction d’un programme obligatoire limité à 25 heures par semaine à tous les niveaux de l’enseignement primaire et secondaire, et de 5 heures pouvant être programmées de manière facultative pour répondre aux besoins et aux talents des élèves ? La pandémie nous a montré la voie en nous obligeant à nous concentrer sur l’essentiel du programme.

Ce ne sont là que quelques suggestions. Ne sont-elles pas une raison suffisante pour une véritable offensive éducative ?

Carte blanche du 8 mars 2021 Le défi du multilinguisme à l’école

Le défi du multilinguisme à l’école
Le Luxembourg se caractérise par un environnement multilingue et multiculturel, comme on en trouve rarement à l’étranger. En termes d’offre scolaire, il existe aujourd’hui une tendance claire à résoudre la difficulté de cette hétérogénéité par le biais de structures scolaires internationales, européennes ou privées, axées sur une langue spécifique. Ne sommes-nous pas en train de rater une belle opportunité pour une offre scolaire nationale inclusive ? Dans cette carte blanche, Gaston Ternes parle du sujet.

Notre avantage jusqu’à présent a été que dans notre petit pays, nous avons appris les langues allemande, française et anglaise à un niveau élevé. C’est une richesse pour nos écoles que l’on y trouve en moyenne une cinquantaine de langues maternelles différentes parlées à la maison. Les écoles du système scolaire national luxembourgeois sont donc, par nature même, toutes des « écoles internationales ». Cependant, cette richesse a aussi ses inconvénients : Les chercheurs soulignent régulièrement que trop d’élèves ne sont pas à la hauteur des exigences élevées de notre enseignement des langues et ne progressent donc pas suffisamment dans l’apprentissage d’autres matières.
Incapables de répondre à ces exigences ambitieuses, les jeunes subissent deux mécanismes de régulation : Répétition de la classe ou passage à une structure moins exigeante, l’enseignement général ou préparatoire. La première mesure du redoublement des classes a depuis longtemps été jugée totalement inefficace dans les études scientifiques sur le sujet. La deuxième mesure est également mauvaise : en raison d’un manque dans une langue, on est déclassé globalement et privé de performances possibles dans d’autres matières.
Un enfant qui redouble une année coûte à l’État environ 45 000 euros dans l’enseignement secondaire et 25.000 euros dans l’enseignement primaire. C’est beaucoup d’argent qui aurait été mieux investi dans une réflexion approfondie sur notre enseignement des langues.
Pourquoi ne nous attaquons-nous pas à ce problème? Après tout, nous pouvons compter sur de nombreuses initiatives scolaires. Nous avons suffisamment d’études qui indiquent des voies de solutions. Nous pouvons nous baser sur l’expérience des enseignants qui sont confrontés quotidiennement à des défis linguistiques. Toutefois, le cadre est malheureusement trop étroit pour permettre des solutions efficaces.
Les réponses se trouvent dans la didactique de l’enseignement des langues, dans l’importance de l’apprentissage de la langue dans son contexte, dans la motivation à apprendre une langue étrangère parce que l’on en a besoin dans son environnement. En ce sens, l’enseignement des langues doit être reconstruit à partir de la base, c’est-à-dire de l’école primaire au baccalauréat. En guise d’exemple, les langues pourraient être proposées avec des accentuations et des niveaux différents. Nous devons absolument donner à nos professeurs de langues une voix commune dans des groupes de travail nationaux et définir ainsi un nouveau cadre !
Les langues étrangères sont essentielles pour des citoyens qui veulent œuvrer ensemble au-delà des frontières. Les réponses à ce grand défi ne peuvent donc pas se limiter à offrir des programmes d’études linguistiques toujours plus spécifiques.

Le défi du multilinguisme -carte blanche RTL 8 mars 2021

Au cœur du multilinguisme à l’école.

Le Luxembourg se caractérise par un environnement multilingue et multiculturel, comme on en trouve rarement à l’étranger. En termes d’offre scolaire, il existe aujourd’hui une tendance claire à résoudre le défi de cette hétérogénéité par le biais de structures scolaires internationales, européennes ou privées, axées sur une langue spécifique. Ne sommes-nous pas en train de rater une grande opportunité pour une offre scolaire nationale inclusive ? Gaston Ternes parle de l’enseignement des langues dans cette carte blanche.

Notre avantage jusqu’à présent a été que dans notre petit pays, nous avons appris les langues allemande, française et anglaise à un niveau élevé. C’est une richesse pour nos écoles que l’on y trouve en moyenne une cinquantaine de langues maternelles différentes parlées à la maison. Les écoles du système scolaire national luxembourgeois sont donc, par nature même, toutes des « écoles internationales ». Cependant, cette richesse a aussi ses inconvénients : Les chercheurs soulignent régulièrement que trop d’élèves ne sont pas à la hauteur des exigences élevées de notre enseignement des langues et ne progressent donc pas suffisamment dans l’apprentissage d’autres matières.
Incapables de répondre à ces exigences ambitieuses, les jeunes subissent deux mécanismes de régulation : Répétition de la classe ou passage à une structure moins exigeante, l’enseignement général ou préparatoire. La première mesure du redoublement des classes a depuis longtemps été jugée totalement inefficace dans les études scientifiques sur le sujet. La deuxième mesure est également mauvaise : en raison d’un certain manque dans une langue, on est déclassé globalement et privé de performances possibles dans d’autres matières.
Un enfant qui redouble une année coûte à l’État environ 45 000 euros dans l’enseignement secondaire et 25.000 euros dans l’enseignement primaire. C’est beaucoup d’argent qui aurait été mieux dépensé pour une réflexion approfondie sur notre enseignement des langues.
Pourquoi ne nous attaquons-nous pas à ce problème? Après tout, nous pouvons compter sur de nombreuses initiatives scolaires. Nous avons suffisamment d’études qui indiquent des voies de solutions. Nous pouvons nous baser sur l’expérience des enseignants qui sont confrontés quotidiennement à des défis linguistiques. Toutefois, le cadre est malheureusement trop étroit pour permettre des solutions efficaces.
Les réponses se trouvent dans la didactique de l’enseignement des langues, dans l’importance de l’apprentissage de la langue dans son contexte, dans la motivation à apprendre une langue étrangère parce que l’on en a besoin dans son environnement. En ce sens, l’enseignement des langues doit être reconstruit à partir de la base, c’est-à-dire de l’école primaire au baccalauréat. En guise d’exemple, les langues pourraient être proposées avec des accentuations et des niveaux différents. Nous devons absolument donner à nos professeurs de langues une voix commune dans des groupes de travail nationaux et définir ainsi un nouveau cadre !
Les langues étrangères sont essentielles pour des citoyens qui veulent travailler ensemble au-delà des frontières. Les réponses à ce grand défi ne peuvent donc pas se limiter à offrir des programmes d’études linguistiques toujours plus spécifiques.